Ce mois-ci, ce sont Pascal et Muriel qui se sont prêtés au jeu du portrait. Alors zoom sur ces deux personnes tellement attachantes et entières dans leur manière de concevoir le métier de paysans.
Pascal et Muriel
C’est Pascal qui porte depuis le début de sa carrière professionnelle un projet agricole. Il a fait une formation dans le tourisme équestre, avec pour objectif de pouvoir reprendre la toute petite ferme familiale (seulement 13ha). Mais il s’est vite rendu compte qu’avant qu’un projet équestre ne soit rentable, cela allait être plutôt compliqué. Il a finalement choisi d’aller travailler chez d’autres agriculteurs et s’est associé dans une ferme, sans y trouver véritablement sa place. Il poursuit en étant salarié dans un service de remplacement agricole. Là, il voit de nombreuses manières de travailler et d’appréhender ce métier aux multiples facettes. Et finalement, suite à cela, l’envie de redonner vie à une toute petite ferme qui était destinée à disparaître, de valoriser un terrain accidenté, prend tout son sens. Il reprendra donc bien la ferme familiale, mais avec des cochons plutôt que des chevaux. Et pourquoi des cochons ? Et bien parce qu’il y a beaucoup de forêt sur cette ferme et que c’est une manière de l’entretenir, et de valoriser les glands et les châtaignes. C’est aussi sans investissement trop lourd au démarrage de l’activité, et ça, ça compte !
C’est ainsi que Pascal s’installe en 2011 en tant que naisseur de porcelets uniquement.
Quant à Muriel, c’est en 2013 qu’elle rejoint Pascal sur la ferme, en portant le projet de transformation. C’est dans l’enseignement que Muriel a fait sa carrière jusque-là. Mais son enthousiasme en a pris un coup, car, remplaçante, elle avait le sentiment d’être envoyée toujours plus loin. C’est à peu près en même temps que Pascal a senti une demande en viande de porc. Ils ont donc mené une réflexion tous les deux pour savoir comment Muriel pouvait rejoindre la ferme et comment ils pouvaient en vivre tous les deux. Le projet de vente directe avec transformation de la viande est né ! Au départ, la transformation s’effectuait au lycée agricole de La Roque, et depuis 2019, Pascal et Muriel disposent d’un atelier à la ferme.
Une production sans concession !
Pascal tient à me rappeler qu’avant son industrialisation, la viande de porc était réservée à un petit usage familial. C’est grâce (ou à cause ?) des antibiotiques que la viande de porc a pu être produite de manière industrielle. Et qu’il faut aujourd’hui une véritable prise de conscience : les antibiotiques utilisés dans les élevages peuvent participer à l’antibiorésistance chez les humains.
Alors pour apporter leur pierre à l’édifice, Pascal et Muriel choisissent de prendre le contre-pied : ici, ce sera du porc plein air, et en agriculture biologique. Pour mémoire, le porc bio représente 5% de la production en France, et le porc bio plein air, seulement 1%.
Alors évidemment, cela ne se fait pas tout seul non plus, il y a des contraintes que Pascal et Muriel n’imaginaient pas forcément : cela demande un énorme travail d’entretien des clôtures, une vraie réflexion autour de la rotation des parcelles pour éviter de trop abîmer les terrains, et un choix dans les races qui soient véritablement adaptées au plein air.
Pascal et Muriel tiennent à rester à échelle humaine : pour respecter l’équilibre avec le territoire, pour respecter leur propre équilibre et capacité de travail. Ainsi leur objectif n’est pas de gagner sur le volume de viande que l’on peut produire mais sur sa qualité.
La ferme est composée aujourd’hui de 45ha pour pourvoir être autonome en céréales. Et en général, ils le sont, sauf des années particulières de sécheresse (ce qui leur pose bien question d’ailleurs vu la succession des années particulières…). Pascal cultive de l’orge, du méteil, du sarrasin et du blé noir pour les rotations. Sur le papier, ils sont autonomes. Le climat fait le reste.
Aujourd’hui, il y a seulement 8 truies mères et un verrat. Avec cette petite équipe, Pascal et Muriel arrivent à une production d’une centaine de cochons par an transformés, ce qui équivaut à deux cochons par semaine. Les cochons sont prêts au bout de plus d’un an passé sur le ferme (contre 6 mois en industriel !).
Pour le moment, la race majoritaire est le cochon Duroc. C’est une race rustique qui peut sans problème passer l’année dehors. Et ce qui est intéressant, c’est que le cochon ne se couvre pas de gras, mais au contraire, il produit un gras intramusculaire, ce qui est avantageux pour la viande fraiche. Cela évite d’avoir trop de gras en couverture sur les rôtis ou les côtes par exemple. Le seul « petit » problème de cette race : ils ne sont pas faciles à élever ! Ils ont besoin d’espace et peuvent être agressifs et nerveux s’ils sont enfermés. C’est un cochon qui DOIT être bien dans sa tête, sinon, il peut être violent.
Elevage sans concession, je vous l’avais dit !
Travailler en couple
C’est eux même qui me l’ont dit : « on se complète et on se supporte ! ». C’est ainsi qu’ils forment un vrai binôme pour la transformation et l’élevage, avec une organisation bien planifiée à la semaine. Le lundi ou mardi, c’est jour d’abattage, dans un atelier à Lacaune. Le mercredi, c’est Loco-Motivés pour Muriel. Le jeudi, c’est jour de découpe et transformation. Et le samedi, c’est sacro-saint jour de marché à Rodez pour Pascal. Et chaque semaine, ils livrent l’épicerie de Trébas.
Pour la transformation, c’est une grande responsabilité d’avoir un laboratoire à la ferme. Ainsi, ils sont suivis par Aveyron Labo pour des analyses régulières et les calculs de DLC. Muriel continue à se former sur l’hygiène et la mise à jour des normes sanitaires. Et pour la transformation en elle-même, Pascal et Muriel essayent de tout faire dans la même journée pour optimiser l’utilisation du laboratoire (gestion de l’eau, de l’électricité, de la vaisselle, du chauffage…). Du coup, c’est une sacrée journée qui commence à 4h et se termine rarement avant 19h.
A cela s’ajoute une fois par mois la cuisine des conserves.
Quant à la charcuterie, que vous êtes nombreux à demander régulièrement, et bien elle est rare ! Mais il y a une explication à tout ça ! En bio, faire de la charcuterie sans sucre, et sans conservateur (sans concession, encore !), c’est très compliqué. En effet, une fois la viande dans le séchoir, il ne faut pas en introduire de nouveau pour ne pas modifier l’ambiance du séchoir. Ainsi, Pascal et Muriel font un séchoir à la fois, et quand on sait que la coppa doit sécher 6 mois, le saucisson 4 semaines, et la saucisse 3 semaines… et bien on comprend que ces produits se fassent rares. Mais maintenant que Pascal et Muriel ont trouvé les bonnes conditions pour produire la charcuterie sans conservateur et sans sucre, ils assument cette rareté : ils préfèrent en faire moins, satisfaire leurs clients et leur apprendre à faire comme ça.
Et pour demain ?
Même avec leurs emplois du temps bien remplis, Pascal et Muriel ne manquent pas de projets.
Ils sont en train de réhabiliter des zones humides sur la ferme. L’objectif : reconstituer des prairies humides pour favoriser la biodiversité, planter des arbres qui retiennent l’eau et entretenir les parcelles avec des ânes ou des moutons. Tout cela se fera sans drainage et contribuera à apporter de l’eau fraiche régulièrement dans le Tarn, et à baisser la température de l’eau du Tarn (ce qui par effet boule de neige contribuera aussi à diminuer le développement des bactéries dans cette rivière, etc)… Un petit cercle vertueux !
Pascal aimerait bien tailler et nettoyer les châtaigneraies de la ferme. Pour l’instant, c’est un projet qui reste dans un coin de sa tête, il lui faudra un peu plus d’énergie pour s’y mettre ! Et pourquoi pas des chevaux pour l’accompagner !
Car c’est sa dernière petite idée ! Et oui, on ne débute pas sa carrière professionnelle en ayant un projet avec des chevaux, sans y revenir à un moment ou à un autre ! Pascal se lance ainsi dans un tout petit élevage de chevaux de trait pour le débardage ou la traction animale. L’objectif est d’avoir 3 ou 4 poulains par an. Et évidemment, cela participera aussi à, plutôt que de s’agrandir toujours plus, valoriser le territoire dont il dispose déjà.
Le portrait chinois de Muriel : si elle était ...
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Le portrait chinois de Pascal : s'il était ...
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