Dans le cadre du mois de novembre, mois de l’économie sociale et solidaire, les Loco-Motivés ont choisi de s’associer à l’épicerie sociale “Arc-En-Ciel” de Rodez afin de proposer la mise à disposition de produits locaux et de qualité aux bénéficiaires de la structure, offerts par les consommateurs (et producteurs) Loco-Motivés. Dans cet article de blog, nous revenons sur les raisons de la mise en place de ce partenariat.
Bienvenue à l'épicerie Arc-En-Ciel !
Lancée en 1995, la gestion de l’épicerie sociale Arc-En-Ciel à été reprise par le Centre Communal d’Action Sociale de Rodez depuis le mois de février 2021. Le CCAS travaille conjointement avec la Banque Alimentaire et l’épicerie est membre de l’Association Nationale de Développement des Epiceries Solidaires (ANDES). A la fois convivial et discret, ce lieu propose aux bénéficiaires ruthénois du CCAS des denrées alimentaires et des biens de première nécessité, issus de la collecte de la Banque Alimentaire dans les grandes surfaces, principalement. Pour répondre aux difficultés économiques individuelles, les produits sont mis en vente au prix marchand et sont vendus à hauteur de 5%, 10% ou 20% de ce prix en fonction de l’évaluation du reste à vivre du bénéficiaire réalisée par les travailleurs sociaux.
Le principe au cœur de ce fonctionnement : retrouver une dignité grâce à une aide alimentaire qui garantit une certaine liberté de choix des produits, sans que cette solution d’urgence ne s’inscrive dans le temps long. En effet, l’objectif est bien de sortir la tête haute d’une situation économique difficile via un projet personnel et ce, grâce à l’accueil de l’épicerie, les échanges avec les salariés et l’accompagnement du projet par les travailleurs sociaux.
Ainsi, l’épicerie Arc-En-Ciel est à ce jour en mesure d’accueillir chaque semaine sur 5 demi-journées et après inscription une soixantaine de bénéficiaires (300 au total sur l’année), grâce au travail d’animation et de gestion du lieu par Gilbert et Lucie, tous deux salariés de la structure, ainsi que toute l’équipe de bénévoles.
Insécurité alimentaire : un problème de pauvreté avant tout.
Près de deux ans après l’émergence de la pandémie de Covid-19, les situations de sécurité alimentaire se sont dans l’ensemble dégradées : dans les pays du Sud, près de 45 millions d’êtres humains sont, selon le Programme Alimentaire Mondial (PAM), au “bord de la famine”, avec une augmentation de plus de 3 millions de personnes en 2021 qui subissent de plein fouet le fardeau des 3C : le Covid-19, le changement Climatique et les Conflits. Dans les pays industrialisés comme le nôtre, cette insécurité alimentaire existe aussi sous différentes formes et de manière insidieuse. Tout d’abord, si le chiffre de 3% de personnes sous-alimentées en France peut paraître risible en comparaison aux taux de certains pays pauvres, c’est déjà trop, qu’on se le dise. Entre 2009 et 2019, le nombre de bénéficiaires de l’aide alimentaire a doublé en France, avec un record de 8 millions de personnes en sortie de pandémie – mères célibataires, retraités et étudiants en tête.
Par ailleurs, au-delà de cette sous-alimentation, il faut souligner la malnutrition qui frappe en partie notre pays. En cause, notamment, les aliments ultra-transformés, à faible valeur nutritionnelle, trop riches en sucres, en mauvaises graisses ou en sels ou présentant des risques de contamination aux pesticides et autres perturbateurs endocriniens. Comment vivre avec alors que l’injonction morale du “manger mieux” se fait de plus en plus pressante ? Comment s’émanciper des (plus ou moins bonnes) habitudes alimentaires transmises inégalement et parfois de manière quasi héréditaires au sein des familles ? Comment y échapper lorsque l’inflation des prix de l’énergie vient alourdir le budget des ménages les plus pauvres ? Parce que oui, ce sont souvent ces aliments de piètre qualité qui sont les plus faciles à acheter quand on veut pouvoir mettre quelque chose sur la table. C’est la pauvreté en premier lieu qui cause l’insécurité alimentaire.
Fin du monde, fin du mois : même combat !
Mais ne nous trompons pas ! Ces bas prix cachent aussi des coûts environnementaux, sociétaux et de santé bien plus importants que l’on ne se le conçoit : en effet, ces produits industriels sont souvent le résultat d’un modèle agricole encourageant la destruction et la pollution des écosystèmes, la dégradation du climat, la surproduction dans certains secteurs, la mise sous pression de nos agriculteurs sur les prix d’achat de leurs productions par les industriels et la mise en concurrence des paysans du reste du monde. C’est à notre petite échelle, certes, mais contre tous ces maux que nous souhaitons lutter via les Loco-Motivés.
L’équipe de l’épicerie Arc-En-Ciel tente d’engager cette démarche en proposant déjà des produits frais et de saison, et c’est sur cette lancée que nous encourageons ce mouvement : en proposant des aliments de qualité, de proximité et exigeants sur le mode de production, nous cherchons à rapprocher le consommateur des réalités du producteur afin que ce dernier puisse créer de l’emploi localement, diversifier ses activités et ses cercles sociaux, améliorer ses pratiques agricoles et valoriser son produit. Tout cela, en lui garantissant une rémunération équitable et des conditions de vie raisonnables. On peut voir à travers cet autre paradigme un engagement solidaire du consommateur envers le producteur.
En mettant en place le don de produits loco-motivés destinés aux bénéficiaires de l’épicerie, c’est une action de solidarité réalisée cette fois-ci par des consommateurs vers d’autres consommateurs… Mais aussi une action solidaire des producteurs vers ces mêmes consommateurs, puisque certains d’entre eux comme la Ferme de Caplongue ou Naturellement Simples ont fait le choix de doubler les quantités de denrées données ou de compléter avec d’autres produits de leur gamme.
Un premier succès !
Nous avons pris le temps d’identifier avec l’épicerie sociale les volumes et la diversité de produits pour lesquels nous étions capables de participer, afin de répondre au plus juste à leur besoin : légumes frais, fruits, produits laitiers, viandes, produits d’hygiène, … En cette première semaine, ce n’est pas moins de 430 € de dons qui ont été réalisés. Les Loco-Motivés et l’épicerie Arc En Ciel tiennent à remercier celles et ceux qui y ont contribué, consommateurs comme producteurs. Ce mercredi 10 novembre, une vingtaine de bénéficiaires a pris rendez-vous avec l’épicerie et pourront choisir parmi ces produits.
La deuxième livraison solidaire aura lieu le mercredi 24 novembre, avec de nouveaux produits, et notamment un don d’agrumes (conséquent !) de la part de la coopérative Bioespuña.
Une belle action, mais pas la panacée !
Il faut cependant garder la tête sur les épaules concernant l’impact et la pérennité d’une telle action : si elle permettra de témoigner d’un soutien moral aux bénéficiaires et de leur partager votre goût pour des produits que vous aimez tout particulièrement, elle n’en reste pas moins qu’une action de charité avant tout. La problématique quant à elle reste plus globale : comment garantir un droit à l’alimentation et à une éducation alimentaire de qualité et pour tous ? Lorsque l’on sait que c’est la pauvreté qui est le facteur le plus déterminant pour l’accès à l’alimentation, comment construire de façon pérenne et systématique cette solidarité ? Comment concilier le prix juste pour le producteur et le prix abordable pour le porte monnaie des classes populaires ?
Le concept de sécurité sociale de l’alimentation, sur le modèle de la sécurité sociale de la santé, pourrait par exemple s’avérer une piste intéressante : une carte « vitale » – verte, ou d’une autre couleur ! – universelle, basée sur le principe du « à chacun selon ses besoins, à chacun selon ses moyens », qui permettrait de faire face aux accidents de la vie et de surcroît d’orienter en priorité l’achat vers les produits alimentaires de qualité, locaux, durables… Voilà un outil formidable pour une transition agroécologique réussie !